Chapter 18 : de valises en cartons
Job
Opportunities: chercher
l’erreur job ou opportunities ?
Housewife
level: en crise
Body-Building
level: comme dit mon
prof de combat, plus de souplesse, on n’est pas des playmobils !
English
level: en crise
Cultural
level: subjugué par les
créations de Wadji Mouawad
Tourism
level: en crise
Love : Mode cocooning proche de la sérénité
(illustration Gaboury)
Quand systématiquement au téléphone
la première chose que l’on vous demande avant l’incontournable comment ça va,
c’est tu es où ? Quand ensuite on vous parle de la préparation des cartons
auquel tu n’as aucune intention de participer. On se dit que l’on même une
existence assez paradoxal et soudainement on s’interroge « mais où donc va
ma vie » ?
J’ai passé les vingt premières
années de ma vie à arpenter les mêmes rue, à côtoyer les mêmes gens sans jamais
leurs trouver suffisamment de saveur pour me retenir. J’ai grandi avec, chaque
matin, l’espoir que mes parents allaient décider tout jeter dans un torchon et
avec ce baluchon de changer de secteur pour nous donner un nouveau départ. Ailleurs
j’étais blonde façon Candie, grande, danseuse musclée, intelligente et super
gentille. Le genre de personne que l’on aime et respecte à la fois. Bref, on
déménageait dans une sitcom américaine ! Bien sûr ce n’est jamais
arrivé !
En route pour la maison n°1
Cependant je suis quand même partie,
les études et la voiture de mon père m’ont permis de mettre les voiles. Plein
comme un œuf, le break nous descendu à 800 kilomètre vers le sud avant de nous
lâcher définitivement à deux rue de mon premier chez moi. Y’a des signes qui ne
trompe pas. Il faut parfois savoir s’alléger pour avancer ! Là-bas je n’ai
pas blondie mais j’ai trouvé mon petit prince des collines et le petit prince à
continué à me faire voyager.
De la maison n°3 à la maison n°4
Après un hiver à Paris, je n’ai
qu’une heure entre l’état des lieux de sortie de mon studio et la fermeture du
service de fret d’Orly. Si je rate le coche je repars avec la malle, contenant
l’essentiel de ma future vie aux Antilles, jusqu’à Lyon et ça risque de me
coûter bonbon en supplément de bagages ! Après avoir balancer le clic-clac
pourri, les fringues trop lourde, trop chaude et trop typées, les verres à
moutarde et les assiettes Ikea, les papiers, les livres et encore des papiers
l’utilitaire de mon père (et oui il évolue avec moi) affiche complet. A mes
pieds la cantine en fer bleu, aussi grande et lourde que moi, appelle au
secours. Je résume la situation : il nous reste 55 minutes pour rejoindre
l’aéroport et faire partir cette foutue malle pour laquelle nous n’avons plus
de place. Mes yeux se lèvent vers le ciel comme un appel, une prière et trouve
sur leur chemin la galerie du camion. Avec mon père, nos regards se croisent et
je regrette d’avoir irritée de ma mère une taille de Minipouce. Pourtant elle a
bien fini sur le toit cette foutue cantine et suffisamment bien attachée pour
nous permettre une course poursuite sur le perif et la faire partir à 8000
kilomètre. Proverbe du jour, si tu n’es pas grand et que la soupe est
inefficace est des copains de bonnes tailles ou soit astucieux.
Je ne le savais pas encore mais cette cantine n’avait pas fini de me faire souffrir. Au moment de repartir de Martinique, nous n’avions plus une mais deux malles dans lesquelles j’aurais, moi aussi pu voyager aisément. Je commande l’enlèvement en précisant la nature et l’anatomie de la chose et là qu’est-ce que je vois arriver, un bonhomme tout seul, sympathique mais tout seul. Les mecs ils gèrent ça comme tu Fedex ou du Chronopost, un peu plus et il venait en scooter ! Le soucis c’est que le gars il ne pouvait juste pas physiquement porter la chose tout seul. C’est donc en claquette et en mini jupe (je n’avais pas prévu ce jour là de m’impliquer particulièrement) que j’ai aidé à l’ascension des cantines au dessus des escaliers pour rejoindre le camion. Les pieds glissant dans les chaussures, la jupe volant au vent, les fessiers en action et la main en feu par la poigné je me suis promis d’avoir une vie beaucoup moins lourde ou de travailler ma muscu !
De la maison n°7, à la n°8, à la n°9
On emballe, on déballe. Dans des
voitures, dans des trains, dans des camions. On porte, on lâche, on tracte, on
pousse. On aménage, on entasse et on se tasse. Fatigués de jouer les gros bras,
quand nous sommes partie d’Angleterre, nous avons décidés de faire appel à un
déménageur. Il ne restait plus qu’à faire les cartons. Plus qu’à comme on dit…
Ne sachant pas combien de temps notre vie allait être remisée, nous y avons mis
du cœur à l’ouvrage. Chaque carton était numéroté et son contenu listé. Le tout
minutieusement ajusté à l’intérieur pour que rien ne bouge avant d’être
hermétiquement fermé par un technique de jointure à triple couche de sotch
brevetée par mon cher et tendre. Fallait se lever de bonne heure avant des les
fracasser nos cartons. Pour être beaux, ils étaient beaux. Ça nous a pris un
temps monstrueux, tout ça caler en plein tournoi des six nations, remporté par
les bleus, avec des mi-temps beaucoup trop courtes à mon avis.
Le problème réside aussi dans le
fait que quand on habite dans un appartement de très petite taille, au bout
d’un moment soit on arrête d’empaqueter soit on meurt étouffer sur le poids de
sa propre existence. Mais j’avais tout prévu. Dernière ligne droite de
l’encartonnage la nuit de vendredi, dodo le samedi matin et enlèvement le samedi
midi. Jeudi en plein rush et stratégie d’emballage, gérant la pénurie de ruban
adhésif pour les jointures à triple couche, le téléphone sonne, c’est le
« bip » en charge du transport de mes petites culottes et autres
éléments essentiels à la survie dans le monde occidental. La traduction va être
simple : « on vient demain matin». Mon anglais n’a jamais été meilleur :
« fuck ». Sans même jeter un œil à la jungle des cartons en attente,
je lui dit que ce n’est pas possible. Il me répond que c’est comme ça et pas
autrement. J’ajoute que mes 800 pounds on dit samedi midi, il me raccroche au
nez. C’est la panique. Je peste, je hurle, le téléphone sonne de nouveau, il me
dit ce sera samedi à 7h ou rien et il raccroche.
Dans la nuit de vendredi à samedi la
jointure à triple couche devient, une double puis une monocouche. A 7h00 du
matin les cartons sont prêt et les valises sous les yeux. A 8h00 je rage parce
que la bouilloire est emballée et bien comme il faut dans le carton n°25. A 9h00,
je regrette ma télévision enfouie sous un matelas de papier bulle dans le
carton n°20. A 10h00, je me dis qu’au moins il nous reste internet. A onze,
nous se sommes plus que deux larves sur le sofa, le regard vide sur l’horizon
caché par une montagne de brick marronatre ! A 11h15 le téléphone sonne et le
camion arrive. Une jeune femme en tong compensée se présente à nous, ça doit
être la coordinatrice. Elle jauge la situation puis redescend vers le camion,
sans doute pour chercher le gars pas du tout agréable au téléphone à qui un
accident malencontreux pourrait bien arriver. Elle revient, elle, ses tongs et
un chariot roulant. Je regarde à gauche, à droite, rien ! Le mec pas
agréable est malade ou un truc du genre, elle est seule, en tatane de 8
centimètres en plein mois de mars. Je suis perplexe devant la situation, voir
blasée. Je me suis tout simplement fait insulter par un « bip » qui
voulait juste ne pas bosser le samedi matin, j’ai passé une nuit blanche pour
rien et on m’envoie une nana en flip-flop ! Ces « bip »
d’anglais qui nous enquiquine toute journée avec les consignes de sécurité
« Health and safety ». Ceux qui t’obligent à faire le training
incendie avant de commencer les cours de gym. Ceux qui demandent que ton
ordinateur portable soit vérifié par le service informatique avant que tu
puisses brancher la prise. Ces gens là, m’envoient pour transporter ma vie et
mon œuvre (qui fait son poids) une greluche bâtie comme une sauterelle avec les
orteils à l’air ! Dans ma tête résonne flip-flop, flip-flop et là dans un
élan de bienveillance je consens à pousser les cartons sur la moquette jusqu’à
la porte d’entrée pour en facilité la manutention avec le chariot. Est-ce de la
gentillesse ? Moi je me demande surtout qui va conduire le camion si elle
se pète le pied.
Vers la maison n°10
Après toutes ces péripéties et après
avoir retrouvés tous nos meubles et nos livres, quand tout juste un an plus
tard nous devons déménager, de nouveau, pour passer d’un quatrième sans
ascenseur à un troisième sans ascenseur nous avons choisi de faire appel à
l’option « optimal ou intégral », « extra grand confort »,
« garder vos amis pour la vie », « branleur attitude
assurée ». Bref, on ne fait rien, absolument rien mais on paie. La société
de déménagement n’a pas très bien compris le pourquoi du comment de toutes mes
questions insistantes : et vous serez combien, à quelle heure, quand vous
dites rien, c’est rien rien ou rien un petit peu, et qu’elle est votre point vu
sur les claquettes, les tongs et autres tatanes ?
Le déménagement était prévu à 8h. A
7h50, trois hommes dont un bedonnant (le chef !) et un petit chinois, qui
a porté a lui tout seul sur son dos ma commode pleine, sont arrivés. Ils
entrent, regardent de façon panoramique et en une fraction de seconde les lieux,
puis c’est parti : « toi là, toi là, moi là ». Nous, fraîchement
sortie de la douche, les chaussons encore au pied, sommes happés par ce
tourbillon. Nous avons à peine le temps de sauver nos chaussures et nos
manteaux que tout est englouti dans des cartons. C’est impressionnant. La
veille chaque chose et encore à sa place, traîne dans un coin, à une existence…
et le lendemain en quelques heures tout disparaît. Tu te retrouves soudainement
au milieu d’un appartement vide, que tu aimes et que tu quittes, tout en te
félicitant de ne pas avoir fini en chaussons Mickey dans le train qui va
t’amener vers un nouveau chez toi.
Quand je suis arrivée à Toulouse, j’étais perdue. Tous ces cartons à défaire, encore ! Toute cette vie qui doit retrouver une place, encore, et il n’y a pas de placard, pas de rangements. Il y a de l’espace, mais tu ne le vois pas car tout est différent. L’appartement ne me donnait pas les réponses que je cherchais. Je pensais encore au mur de verre de celui-là, aux pierres apparentes de l’autre, à la vue d’un troisième, à mes souvenirs, à mes attaches. J’étais contrariée, tout en voyant son charme. Pourtant je savais au fond de moi que le jour où je partirais, ce serait aussi une épreuve de le quitter, lui qui me donnait tant de mal.
Adieu et bonjour home sweet home
Ce jour est arrivé et c’est émouvant. Je regarde fixement comme pour les graver dans ma mémoire les murs irrégulièrement peints. Je m’enivre de la lumière qui jaillit au quatre coins de l’appartement et rend la salle de bain resplendissante. J’écoute le silence avant que le tohu-bohu des déménageurs vienne tout emporter. Ils vont emballer soigneusement dans des cartons, identifier les contenue et la chambre de Toulouse, sera bientôt dans la chambre de Lyon, comme la salle de bain, la cuisine et le salon. Il ne restera plus qu’à défaire les boites. A l’intérieur, il y aura les mêmes petites culottes, les mêmes livres, les mêmes assiettes mais il n’y aura pas le sourire du Boulanger qui m’appelle Madame, le sourire du fromager qui me donne des yaourts à date limite, le sourire du Boucher qui m’appelle Princesse et le sourire de tous ceux qui m’ont fait comprendre que je suis une petite brunette, athlétique le lundi et mercredi de 5 à 7, avec des idées pas si débiles, presque que sociable les jours de beaux temps et que c’est pas plus mal comme ça !
De très beaux sourires m’attendent
déjà là-bas et il y en aura d’autres je le sais. C’est toujours comme ça, mais
avant de les rencontrer il est impossible d’éviter la tempête annoncée ! C’est
déstabilisant mais le plus important, le plus rassurant et le surtout le plus
agréable c’est que peu importe l’endroit il y a toujours le petit prince des
collines inclus dans les charges.